Avec plus de 5 000 milliards de dollars, l’activité mondiale des M&A a battu des records historiques en 2021. Dépassant le point culminant établi il y a plus de 15 ans. Souvent, une stratégie de naming dans le cadre d’un M&A est mise en place.
Parmi ces transactions, on notera l’accord de 43 milliards de dollars entre AT&T Inc. et Discovery Inc. Pour le marché français, un cru d’exception également, avec 309 milliards de dollars. Soit + 45% en un an2, porté par des grandes entreprises françaises extrêmement actives. Mais également des PME et EPI tricolores très entreprenantes réalisant plus de 1650 deals3 (au comptage à mi-novembre).
Au-delà des chiffres vertigineux de ces transactions financières et opérationnelles, les fusions-acquisitions, comme leurs noms l’indiquent, créent des mouvements d’entreprises, d’activités et de marques qui redistribuent les cartes. Par ce jeu d’union et de désunion, de nouvelles hiérarchies, de nouvelles relations se définissent. Ces dernières soulèvent un certain nombre de questions d’architecture de marque – en premier lieu, le nom de la nouvelle entité consolidée.
Le choix de cette stratégie de naming post M&A est loin d’être anodin car, en tant qu’incarnation première de cette nouvelle entité, il est un symbole fort tant en interne qu’en externe. Il doit prendre en compte 3 types d’enjeux hautement stratégiques et interdépendants :
3 types d’enjeux hautement stratégiques et interdépendants : Politique et Humain, Business et Branding, Corporate.
En acquérant une entreprise/une activité, que cherche-t-on à acquérir ? Souvent, au-delà d’une clientèle, d’une technologie, d’un marché, on achète aussi une marque, qui a de la valeur, une histoire, des clients et que l’on va potentiellement chercher à valoriser. Quel rôle va-t-on donner à cette marque dans le nouvel ensemble ? Quelle relation entretient-elle avec les autres marques existantes ? A-t-elle suffisamment de valeur pour être conservée ? A l’inverse, quel serait le coût de la supprimer ?
Derrière l’entreprise/l’activité acquise, il y a des hommes, un projet humain. Le nom étant le reflet de ce nouvel équilibre, la partie visible de l’intention donnée à ce mariage, le choix de garder tous les noms existants n’aura pas le même impact que la création d’un nouveau nom pour fédérer l’ensemble. Comment souhaite-t-on intégrer les hommes dans ce nouveau projet commun ? Quelle place donne-t-on au passé ? Au présent ? Au futur ?
Aujourd’hui, le rôle de la marque-entreprise dépasse souvent ses fonctions historiques. Au-delà de son rôle financier et administratif, l’entité mère porte de plus en plus une vision élevée, un point de vue sociétal et environnemental. Certaines stratégies de naming de M&A seront plus à mêmes de porter le projet Corporate de l’entreprise que d’autres. Quelle vision porte le nouvel ensemble ? Quel rôle souhaite-t-il jouer dans l’écosystème français et/ou international ?
A partir de l’analyse de nombreux cas très médiatisés au fil des ans, nous avons établi quatre approches clefs du naming post-fusions-acquisitions, reflets de stratégies différentes et issus de 2 grandes tensions :
– La volonté/nécessité de conserver l’existant vs la volonté/nécessité de créer de la nouveauté
– La volonté/nécessité de favoriser la variété/le pluriel vs la volonté/nécessité de privilégier l’unité/l’intégration
Strategies verbales des fusions-acquisitions
L’objectif de cette approche est de conserver tous les noms existants pour nommer le nouvel ensemble. Le nouveau nom est donc par essence plus long.
C’est le cas d’Essilor Luxottica, issu du rapprochement d’Essilor et de Luxottica ou de KraftHeinz.
Essilor Luxottica, Kraft Heinz
Le message principal véhiculé par cette stratégie de naming est celui de la continuité. Il traduit une volonté de conserver tout l’existant, de ne rien effacer du passé.
D’un point de vue politique et humain, que ce soit pour les publics internes et externes, cette stratégie peut être rassurante car elle véhicule une notion d’égalité. Aux yeux des employés, elle suggère que toutes les marques, mais aussi toutes les cultures, les hommes, les organisations ont la même importance.
Attention cependant, car le nouveau nom est souvent plus long et difficile à prononcer et peut s’avérer moins appropriable. L’égalité entre les 2 entités peut aussi sembler toute relative dans la mesure où le premier des deux noms est souvent plus valorisé, et où, à l’oral, la deuxième partie peut être parfois omise.
Sur le plan Business et Branding, lorsque deux marques ou plus ayant la même valeur de marque fusionnent, cette démarche est la plus logique car elle permet de capitaliser sur des assets existants forts. En effet, pourquoi « tuer » ou « minimiser » la visibilité d’une marque si son capital est fort ? Elle nécessite en outre moins de surcoût lié à la création d’une nouvelle marque.
D’un point de vue Corporate par contre, cette stratégie de naming peut rendre plus difficile l’installation d’une nouvelle dynamique et la mise en place de synergies autour d’un projet commun. L’ensemble restant sans doute plus fragmenté et le changement moins perceptible.
Cette stratégie peut aussi être perçue ou volontairement définie (voir stratégie 2 : Porte-Drapeau ou 1+1 =1) comme transitoire avant une simplification éventuelle. LafargeHolcim vient ainsi de simplifier son nom de groupe en Holcim4.
Holcim
Le Statu Quo reste enfin idéal dans le cas de spin-off ou revente à court terme pour valoriser les actifs.
Cette stratégie consiste à ne conserver qu’un seul nom comme entité Corporate, dans la majorité des cas, celui de l’entreprise qui acquiert.
Walt Disney, Vrbo
Ainsi, l’emblématique Walt Disney Company restera le nom de l’entreprise fusionnée qui comprend 21st Century Fox et la marque Vrbo (plateforme de location du groupe Expedia) a intégré Homeway.
L’enjeu Business et Branding est très fort dans ce cas car cette stratégie de naming amène à redistribuer les cartes principalement au travers de ce prisme.
La marque principale est renforcée et continue sa trajectoire mais que devient la marque acquise ?
Elle peut tout simplement être absorbée et disparaitre. C’est le cas lorsque la marque acquise n’a pas une valeur élevée au départ ou présente des problèmes d’image qui entraînent la dévaluation de la marque principale. Souvent, dans ces cas, la cible de l’acquisition est constituée d’actifs tels que la propriété intellectuelle, la clientèle, la technologie et l’expertise plutôt que la marque, comme par exemple dans le cas du rachat de Lehman Brothers par Barclays.
Le rachat peut aussi avoir pour but de freiner la concurrence en consolidant le pouvoir dans une seule marque. Exemple : Delta Air Lines et Northwest Airlines
En fonction de sa valeur, la marque rachetée peut également se voir attribuer un nouveau rôle dans l’architecture de marque en tant que marque fille ou marque commerciale par exemple.
Enfin, dans certains cas, la marque choisie pour être à la tête de ce nouvel ensemble peut-être est une marque commerciale plus connue. C’est la stratégie adoptée par le groupe Polyart, issu de la fusion des sociétés Arjobex, MDV, Tech Folien et Reisewitz en 2020, qui a capitalisé sur la marque commerciale ayant la plus forte notoriété.
Polyart
D’un point de vue politique et humain, cette stratégie doit être accompagnée par un programme de transformation. Ce car, en redistribuant les cartes, l’émotionnel peut prendre le dessus sur le rationnel. Cela peut générer un sentiment de perdants ou/et de gagnants. Cette stratégie peut aussi décevoir des publics qui attendent du changement et de la nouveauté. AT&T a donné à son dernier achat le nom de Warner Media, qui regroupe Warner Bro., CNN et HBO, ce qui en a déçu plus d’un qui s’attendait à un nom moins conventionnel.
Au niveau Corporate, le « Porte-Drapeau » implique aussi qu’une culture prédomine et qu’à travers ce jeu de M&A, on embrasse la vision de la marque principale.
Dans certains cas, l’héritage de la marque disparue prévaudra visuellement, mais pas son nom. Par exemple, l’identité actuelle de la marque Boeing intègre la typographie originale de Boeing avec un symbole stylisé du fabricant aérospatial McDonnell Douglas, qui a fusionné avec Boeing en 1997.
Cette stratégie, qui consiste à créer un nouveau nom pour fédérer les entités acquises, traduit la volonté d’insuffler de la nouveauté, de se projeter dans un futur commun, prendre une nouvelle direction.
Stellantis, Redspher
Ainsi, Stellantis est le nom du groupe automobile né de la fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles.
Dans le domaine du transport à la demande, Redspher (Eurazeo) a été créé à la suite du rachat par Flash de Schwerdtfeger Transport et du développement d’offres start-ups.
D’un point de vue politique et humain, la fusion-acquisition est l’occasion de créer un nouveau départ. Mais aussi de fédérer les différentes parties, avec une indépendance vis-à-vis du passé qui peut être stimulante ou déroutante.
Sur le volet Business et Branding, il s’agit de la stratégie de naming post-M&A la plus coûteuse. Car cette dernière nécessite des investissements pour créer une nouvelle marque. La question clé à laquelle il faut répondre est de savoir si une nouvelle proposition de marque va se dessiner avec la fusion-acquisition. Si c’est le cas, le processus de changement de marque et donc de changement de nom est crucial. Et ce malgré le coût initial, car il permettra de présenter plus efficacement la nouvelle proposition au public cible. Cela vaut aussi bien pour le changement de marque d’une entreprise que pour la création d’une nouvelle unité commerciale après une fusion-acquisition.
Cette stratégie peut être aussi gagnante quand la rupture avec le passé est nécessaire, notamment suite à des affaires ou un bad buzz qui ont terni l’image des marques.
D’un point de vue Corporate, cette stratégie permet de créer un nouveau projet. Également de dessiner les contours d’un futur commun avec un nom qui porte cette nouveauté de manière forte et visible.
A mi-chemin entre le statu quo et le nouveau départ, cette stratégie de naming repose sur la notion de fusion au sens propr. Quand 2 éléments se mélangent et se transforment. Elle permet d’allier passé et futur car le nouveau nom créé emprunte aux 2 parties initiales, les rapproche.
Nous avons observé deux types de noms M&A dans cette stratégie de réconciliation
LVMH, Adecco, Faurecia
D’un point de vue politique et humain, cette stratégie de naming M&A permet de ne pas générer ce sentiment de gagnant/ perdant. Car chacun apporte sa part à l’édifice.
Sous un autre angle, Business et Branding, elle s’apparente par contre à la création d’une nouvelle marque, nécessitant des investissements, du temps d’appropriation et d’implémentation.
D’un point de vue Corporate, il s’agira de construire un discours, une vision en combinant passé, présent et futur.
En conclusion, ces quatre stratégies verbales de fusions-acquisitions: le Statu Quo (ou 1+1=1+1). le Porte-Drapeau (ou 1+1=1). le Nouveau départ (ou 1+1=3). la Réconciliation (ou 1+1=2) répondent à des enjeux politiques, humains, Business, Branding et Corporate différents. Il est donc important de les prendre en compte :
– En impliquant les bonnes personnes aux bonnes étapes dans le processus de décision mais aussi et surtout dans le processus de construction du nouveau futur.
– En effectuant tous les audits nécessaires, notamment sur la valeur de marques, pour décider en toute objectivité.
– Mais aussi en anticipant le plan de migration, le processus de transformation et d’implémentation.
Quelle que soit votre stratégie de naming post fusions-acquisitions, gardez à l’esprit que :
1. Les critiques seront toujours présentes, faites un choix fort et assumé.
2. La marque est moteur de la transformation humaine de l’entreprise
Vous souhaitez en savoir plus ? Visitez notre page Agence de naming !
Références:
1 Niket Nishant (2021, December 21). Global M&A volumes hit record high in 2021, breach $5 trillion for first time.
Global M&A volumes hit record high in 2021, breach $5 trillion for first time | Reuters
2 Thomas Feat (2021, November 26). Fusions-acquisitions : Un cru 2021 d’exception pour le marché français.
https://www.optionfinance.fr/entreprise-finance/fusions-acquisitions-un-cru-2021-dexception-pour-le-marche-francais.html
3Anne Drif (2021, December 21). BNP Paribas prend la tête du M&A en France.
https://www.lesechos.fr/finance-marches/ma/bnp-paribas-prend-la-tete-du-m-a-en-france-1375684#utm
4 Marc Angrand (2021, November 15). LafargeHolcim veut simplifier son nom en Holcim.
LafargeHolcim veut simplifier son nom en Holcim, Actualité des sociétés – Investir-Les Echos Bourse